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Marie-Madeleine est un personnage insaisissable. C'est
à partir de témoignages épars et parfois
contradictoires, portant sur plusieurs femmes, que le pape
Grégoire le grand a constitué, au VIe siècle, le personnage
unique très représenté en peinture et
plus rarement en sculpture.
Marie-Madeleine, bois, XVIe siècle, Pays-Bas, conservée
au musée de Cluny, Paris
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Chez Matthieu
Matthieu ne signale Marie de Magdala qu'au moment de la
crucifixion,
à laquelle elle assiste avec une autre Marie (mère
de Jacques et de Joseph) (Mt 27.56). Elles assistent toutes
deux à l'ensevelissement (Mt 27.61). Ce sont également
elles qui voient l'ange près du tombeau ouvert, après
la résurrection. Alors qu'elles vont annoncer la bonne
nouvelle, Jésus vient à leur rencontre pour
les encrourager (Mt 28.1-10). Matthieu n'indique donc pas
d'où vient Marie de Magdala et qui elle est. Il parle
d'une femme de Béthanie qui vient chez Simon le lépreux
oindre le Christ d'un parfum très cher (26.6-13), mais
il ne dit pas son nom.
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Chez Marc
La version de Marc est proche de celle de Matthieu. Chez
lui également, Marie de Magdala n'apparaît qu'au
moment de la crucifixion
(Mc15.40), avec l'autre Marie et une femme appelée
Salomé. Toutes trois voient l'ange qui leur annonce
la résurrection au tombeau. Mais, à la différence
de Matthieu, Jésus n'apparaît pas aux trois femmes
mais "d'abord à Marie de Magdala, de laquelle il avait
chassé sept démons" (Mc 16.1-10). Marie d Magdala est
donc mise en avant et l'on en sait un peu plus sur elle. Mais
elle n'est pas associée à l'onction de Béthanie,
elle aussi rapportée par Marc ( Mc 14.3-9).
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Chez Luc
Luc évoque une pécheresse qui arrose les
pieds de Jésus de larmes et de parfum, et qui les essuie
avec ses cheveux (Luc, 7, 36-50). Jésus lui pardonne
ses péchés avec cette phrase: "C'est pourquoi,
je te le dis, ses nombreux péchés ont été pardonnés: car elle
a beaucoup aimé." Mais Luc ne nomme pas cette femme qui
sera assimilée à Marie-Madeleine.
Il nomme en revanche une femme guérie par Jésus : "Marie,
dite de Magdala, de laquelle étaient sortis sept démons" (Luc, 8.2).
Cette femme fait partie de celles auxquelles la bonne nouvelle est annoncée
par un ange au tombeau.
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Chez Jean
Chez Jean, la femme qui oint Jésus de parfum et
essuie ses pieds avec ses cheveux n'est pas une pécheresse
mais Marie, soeur de Marthe et de Lazare,
qui vivent en Béthanie. "Marie, ayant pris une
livre d'un parfum de nard pur de grand prix, oignit les pieds
de Jésus, et elle lui essuya les pieds avec ses cheveux; et
la maison fut remplie de l'odeur du parfum." (Jn, 12.3-8).
Jean signale la présence d'une Marie de Magdala près
de la croix (19.25). Surtout, il relate que c'est à
elle que le Christ après en premier après sa
résurrection (Jn 20.11-18). (Voir texte ci-dessous)
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Apparition du Christ à Marie-Madeleine,
clôture du choeur de Notre-Dame
de Paris
"Cependant Marie se tenait
dehors près du sépulcre, et pleurait. Comme elle pleurait, elle
se baissa pour regarder dans le sépulcre; et elle vit deux anges
vêtus de blanc, assis à la place où avait été couché le corps
de Jésus, l'un à la tête, l'autre aux pieds. Ils lui dirent:
Femme, pourquoi pleures-tu? Elle leur répondit: Parce qu'ils
ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis. En
disant cela, elle se retourna, et elle vit Jésus debout; mais
elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus lui dit: Femme,
pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu? Elle, pensant que c'était
le jardinier, lui dit: Seigneur, si c'est toi qui l'as emporté,
dis-moi où tu l'as mis, et je le prendrai. Jésus lui dit: Marie!
Elle se retourna, et lui dit en hébreu: Rabbouni! c'est-à-dire,
Maître! Jésus lui dit: Ne me touche pas; car je ne suis pas
encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et dis-leur
que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre
Dieu. Marie de Magdala alla annoncer aux disciples qu'elle avait
vu le Seigneur, et qu'il lui avait dit ces choses." |
En résumé
De ces pièces comparées, on
peut déduire qu'il y a trois femmes. Marie de Magdala,
une femme que Jésus aurait guérie du démon
(Luc et Marc), qui aurait assisté à la crucifixion
(Matthieu, Marc et Jean), vu l'ange annonçant la résurrection
près du tombeau (Matthieu, Marc et Luc) et à
qui le Christ se serait manifesté pour la première
fois après sa mort (Jean et Marc). Une seconde femme,
de Béthanie, oint le Christ d'un parfum cher (Matthieu,
Marc et Jean). Seul Jean l'identifie comme étant Marie,
soeur de Marc et de Lazare. Pour Marc et Matthieu, c'est une
anonyme qui vient chez Simon le lépreux pendant que
le Christ y dîne. Enfin, il y aurait une troisième
femme, la pécheresse de Luc, qui répète
les gestes de l'onction de Béthanie.
Les représentations
Dans toutes les représentations, Marie
Madeleine est la fusion de ces trois femmes, et jamais seulement
Marie de Magdala. L'onction de Béthanie ou la scène
de la pécheresse sont rarement représentées
pour elles-mêmes. Mais près de la croix ou au
tombeau, dans la peinture ou dans les retables sculptés,
Marie Madeleine a l'aspect d'une courtisane (richement vêtue,
belle chevelure). Son attribut est un petit flacon de parfum.
Et le thème de la Madeleine pénitente (ce qui
implique donc qu'elle est péchée) remporte un
vif succès. Marie-Madeleine est donc représentée
comme celle qui a péché par la chair, a été
pardonnée pour avoir témoigné sa foi
par ses larmes et l'onction parfumée, qui a suivi le
Christ jusqu'à sa mort et a été distinguée
par lui lors de sa première apparition. Pour en savoir
plus sur l'évolution de la perception du personnage,
cliquez
ici.
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Madeleine apparaît peu dans la sculpture ornementale
des portails. Elle n'est guère présente dans
les embrasements et dans les tympans (linteau de Vézelay,
détail du portail central de Strasbourg, statue près
de la rose de Reims). Elle figure rarement sur les chapiteaux
romans. En revanche, plusieurs édifices religieux lui
sont dédiés, notamment Vézelay. Enfin,
on la trouve représentée dans beaucoup de retables
sculptés flamands (au pied de la croix et à
la mise au tombeau) et dans les clôtures de choeur.
Marie-Madeleine, bois, vers 1500, Bruxelles,
conservée au Musée de Cluny, Paris
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