Les sources d'inspiration
L'iconographie chrétienne s'inspire fortement de
l'iconographie païenne contemporaine. Elle utilise des
schémas courants, compréhensibles, pour en transformer
le sens. Les apôtres ont ainsi l'apparence de philosophes
classiques. Ils portent une toge, qu'ils conservent d'ailleurs
dans toute l'iconographie médiévale.
Sarcophage des apôtres, Musée
de l'Arles Antique
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Beaucoup de protagonistes ont des apparences
d'adolescents (influence des putti) : sans âge, ils
paraissent hors du temps. Les portraits inscrits dans des
médaillons ou des coquilles, très fréquents
dans l'iconographie classique sont aussi utilisés dans
l'art chrétien. Les portraits officiels chrétiens
(évêques...) sont similaires aux portraits officiels
classiques.
Médaillon des époux défunts,
sarcophage des Epoux, Musée de l'Arles Antique
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L'iconographie politique inspire aussi l'iconographie
chrétienne. L'Empire chrétien, très loin
des valeurs d'humilité, affiche sa puissance en reprenant
à son compte tous les motifs de la majesté impériale
: l'image de l'empereur est cependant surmontée d'une
main sortant du ciel (image d'origine juive). Les représentations
du Christ
et de la Vierge
en majesté, avec leur raideur symbolique, gardent les
marques de cette époque. L'art impérial inspire
d'autres représentations. Ainsi la remise de la loi
à Pierre peut s'inspirer d'images d'empereurs remettant
des documents à de haut dignitaires.
Sarcophage de la remise de la loi à
Pierre, Musée de l'Arles antique
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L'adoration des mages n'est pas sans rapport avec la remise
d'offrandes des vaincus à l'empereur victorieux. De
même l'entrée dans Jérusalem s'inspire
des entrées d'empereurs dans des cités conquises.
Cet art officiel peut aussi être détourné
: ainsi les scènes d'exécution, qui glorifiaient
la justice implacable sont utilisées par l'Eglise pour
glorifer les martyrs face à leur bourreaux.
Entrée à Jérusalem, sarcophage
de Saint
Trophime d'Arles
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Représentations du Christ et des apôtres
Les premiers portraits qui apparaissent sont ceux de Pierre
et de Paul (portraits collectifs). Ils sont présentés
comme deux empereurs de profil qui se font face. Avant 313
(Edit de Milan), on trouve assez peu de représentations
du Christ, excepté sous l'apparence du Bon Pasteur
ou d'un philosophe. Mais la crainte de l'idolatrie disparaît
peu à peu. A partir du IVe siècle, les portraits
du Christ deviennent les plus nombreux (multiplication des
apparitions du Christ thaumaturge).
Guérison d'un paralytique,
sarcophage des Epoux, Musée de l'Arles Antique
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Apparaissent aussi des portraits individuels de Pierre,
trônant ou en bon pasteur, comme le Christ. Le rapprochement
iconographique n'est pas surprenant, vu l'importance de Pierre
pour l'Eglise. L'apôtre est également associé
à Moïse : on le montre renouvelant le miracle
de la source jaillissant de la pierre (ci-contre, sarcophage
des Epoux). On trouve également de nombreux portraits
collectifs du Christ et des apôtres (les portraits collectifs
professionnels étaient assez répandus dans l'Antiquité,
notamment les professeurs et leurs disciples). Les traits
de tous ces portraits ne sont pas individualisés :
on ne représente pas les traits d'un être mais
sa fonction (comme dans une partie de l'art officiel romain).
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Les orants
L'orant est une figure romaine de la piété,
représentée debout, les bras levés en
geste de prière. Les chrétiens réutilisent
cette image, notamment sur les sarcophages et dans les catacombes.
Mais elle représente alors moins la piété
en général que la piété du défunt.
Cependant, dans un premier temps, les traits de l'orant ne
sont pas personnalisés : ce n'est qu'une image-signe.
Puis l'image devient plus descriptive et le défunt
est finalement représenté pour lui-même
(ce type de portrait funéraire disparaît à
la fin du IVe siècle) et plus en orant. Cette figure
n'est alors plus utilisée que comme un élément
de la représentation des saints et des martyrs.
La défunte en orante,
sarcophage
de Marcia Romania Celsa, Musée de l'Arles antique
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Conclusion
A la fin du IVe siècle la production de sarcophage
s'interrompt, sans que l'on sache exactement pour moi. La
prise de Rome perturbe les ateliers (les plus grands sont
à Rome, Arles et Marseille) et le commerce de marbre.
Mais cette explication ne paraît pas suffisante. Il
est possible que cette évolution marque un changement
théologique ou une conception différente de
la mort. Il pourrait également s'agir des prémices
d'une querelle iconoclaste.
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Référence bibliographique:
André Grabar, les voies de la création en
iconographie chrétienne, Ed. Flammarion 1979
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