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Saint-Bernard, l'art cistercien



L'art cistercien

2 - Rigueur

Evolution du contexte social

La croissance économique, après avoir enrichi les moines, provoque une évolution sociale. Le commerce se développe, les villes deviennent attractives. Il devient nécessaire de sortir du couvent pour agir. De plus, la vie urbaine révèle des inégalités que les solidarités rurales masquaient. La charité de parade des bénédictins traditionnels ne peut plus suffire. De nombreux hôpitaux se développent. Enfin, l'apparition de nombreuses hérésies rend nécessaire une remise en question.

L'esprit de Cîteaux

Cîteaux propose une réforme. L'accent est mis sur une vie en communauté isolée et sur l'ascétisme. Les cisterciens forment un ordre conservateur qui ne remet pas en cause la société d'ordres et qui souhaite au contraire le retour d'un monachisme à l'écart de la société. Ce conservatisme se mêle cependant à des éléments de modernisme, notamment dans les relations entre frères. Si chacun va à son rythme pour progresser vers Dieu, chaque moine est continuellement aidé ou aide les autres (entraide inspirée de la chevalerie). Le rite est intériorisé. Le but de chacun est avant tout de se connaître lui-même, avec humilité.

Si Cîteaux conserve les structures monacales classiques, notamment la séparation entre les convers et les moines, ses recrues ont un état d'esprit un peu différent en raison de leur contact avec la chevalerie. On observe des restes de l'esprit courtois dans les communautés, par exemple la tension continuelle vers la prouesse héroïque, même si elle n'est pas de même nature que chez les chevaliers. Le modèle de filiation entre Cîteaux et ses filles est calqué sur le lignage aristocratique.

Saint Bernard

Les cisterciens se heurtent à de nombreuses critiques. Pour certains, ils ne vont pas assez loin dans l'idéal de dépossession et de pauvreté. Pour les bénédictins traditionnels, ils vont au contraire trop loin, notamment en travaillant de leur main, ce qui paraît contraire à la dignité monacale.
Saint Bernard fait cependant triompher les cisterciens. Issu de la petite noblesse, il est tout de suite destiné à la vie monacale. Il est cependant imprégné de l'esprit chevaleresque : c'est un combattant. Pour épurer son âme, il méprise son corps et rejette tout orgueil ou parure. S'il possède parfaitement l'art du discours, son éducation n'en fait pas un grand usager de la dialectique (contrairement à Abélard). La parole, celle de Dieu, est pour lui plus le vecteur principal de la foi, plus qu'aucun art visuel. C'est pourquoi il veut chasser les trop riches sculptures des monastères (les moines n'en n'ont pas besoin, ils savent lire) alors qu'il tolère le recours à l'image dans les églises accessibles à tous (car le peuple a besoin de l'image pour accéder à l'histoire sacrée). Comme Suger, il pense que l'art doit aider chacun à retrouver en lui l'image de Dieu, en favorisant la résurgence de cette image. Pourtant, il rejette les flamboiements artistiques. C'est avant tout vers l'intérieur de soi que chacun doit se retourner.

Les richesses de Cîteaux et leur utilisation

Le développement du mouvement cistercien s'accompagne d'un développement des constructions de monastères. Si ceux-ci présentent une grande unité de style, l'uniformité n'est pourtant pas ce qui les caractérise. La construction de ces bâtiments est coûteuse (achat de la pierre, appel à de la main-d'oeuvre extérieure). Les cisterciens refusent les seigneuries, mais ils ne refusent pas les dons. Lorsque ces derniers sont faits sous forme d'orfèvrerie, ils sont échangés contre de la monnaie, car les cisterciens refusent d'orner leurs autels. Outre les dons, les ressources servant à construire les églises viennent de l'exploitation de leurs domaines. La fortune cistercienne a peu d'autres destinations : les monastères sont à l'écart, ils n'ont guère à faire preuve d'hospitalité et de charité. L'argent se transforme donc en un art qui symbolise les vertus de Cîteaux : la rigueur et le dépouillement.

 


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