4 - Héritage
Un succès relatif lié
à un contexte temporairement favorable
Cîteaux s'intègre
bien dans une église en mutation. Les cisterciens se
soumettent aisément aux évêques, ce que
ne faisaient pas les clunisiens, dont le pape souhaite réduire
le pouvoir. L'effort des cisterciens est donc encouragé
par la hiérarchie ecclésiastique. De plus, les
cisterciens acceptent pleinement la société
d'ordres. Leur ancrage chevaleresque leur permet de s'implanter
en faisant valoir trois valeurs : la loyauté, le courage
et l'amour.
Pourtant, l'ordre connaît de nombreux échecs.
St Bernard ne réussit pas à convertir la chevalerie
tout entière, comme il en caressait l'espoir. Il fait
une sorte de compromis en apportant son soutien aux ordres
militaires. Il échoue aussi face à l'école
cathédrale. Il triomphe piteusement d'Abélard,
par sa mauvaise foi et par ses brillantes élucubrations,
mais pas par le raisonnement. Il échoue enfin face
aux hérétiques qu'il ne convainc pas de retourner
au sein de l'Eglise.
Relâchement de l'ordre
L'ordre perd vite sa popularité.
La sécheresse des moines, leur rapacité, sont
dénoncées. Dix ans seulement après la
mort de Saint Bernard, bien des vertus sont oubliées.
L'argent passe au premier plan des préoccupations des
monastères. Ils acceptent les droits seigneuriaux qu'ils
refusaient auparavant. Le faire-valoir direct est abandonné.
Les chevets s'arrondissent de déambulatoires, la sculpture
monumentale fait irruption dans les églises et les
cloîtres.
Evolution défavorable
de la société
Ce relâchement doit
normalement permettre de reconquérir la faveur des
grands, qui sont séduits par le luxe. Mais il est inutile.
En effet, le mouvement cistercien - comme les autres ordres
monastiques - est condamné par l'évolution de
la société. La société d'ordres
est fondée sur l'idée qu'un ordre peut s'occuper
du salut des autres. Le processus d'individualisation qui
se fait jour (avec pour conséquence une évolution
de l'idée de Jugement
dernier) incite chacun à se préoccuper lui-même
de son salut : le monastère devient inutile.
De plus, l'attitude de piété
cistercienne paraît surannée. Les ordres mendiants
paraissent moins mesquins dans leurs gestes de charité.
Enfin, la puissance grandissante
des cités par rapport aux campagnes renforce l'importance
de la cathédrale par rapport au monastère. L'école
cathédrale prend le relais des cisterciens dans la
voie de l'austérité. Si l'art gothique favorise
l'élévation des édifices, ils suppriment
les représentations sur les chapiteaux. Les cloîtres
gothiques du XIIIe siècle se rapprochent des cloîtres
cisterciens. Certains édifices adoptent même
le chevet plat : on en trouve un exemple à Laon.
Ensuite, l'art gothique perd la rigueur cistercienne, en réponse
au goût du bonheur terrestre et au choix d'une religion
plus fraternelle, celle des ordres mendiants. Les images de
piété, qui aident chacun dans son cheminement,
sont également réintroduites.
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