Beaucoup des sujets que l'on pensait être
d'origine romaine sont en fait issus de la Syrie et de la
Grèce orientale.
Chez les grecs des villes d'Orient, on trouve
un mélange de figures païennes et chrétiennes.
Le Christ
apparaît comme un bel éphèbe imberbe,
dont la majesté est signalée par un nimbe et
dont les cheveux sont, selon les cas, courts ou longs.
L'art chrétien syrien naît à
Jérusalem après la découverte de la vraie
Croix. La représentation du Christ est sensiblement
différente. C'est un homme mûr, barbu, aux cheveux
toujours longs. La Vierge
est enveloppée d'un long voile (alors que la Vierge
grecque est plus coquette). C'est un art moins émouvant
et plus solennel, hiératique. C'est là que naît
la représentation de la Vierge en majesté.
Voici quelques sujets comparés :
VERSION GRECQUE
VERSION SYRIENNE
ANNONCIATION
La Vierge est assise avec
ange devant elle. Elle semble écrasée par
le poids de sa mission. Plus tard, on la voit avec un
fuseau (fabrication du voile du Temple).
Moins passive, la Vierge
se lève comme pour approuver la mission qui lui
est confier. Elle manifeste la volonté de s'associer
au salut de l'humanité.
Bilan : les deux versions passent dans
les manuscrits et donc dans la sculpture romane
VISITATION
Les deux femmes se rapprochent
avec réserve
L'embrassade des deux femmes est plus manifeste et
plus émue
NATIVITE
La Vierge est assise sous
un toit de tuile et ne montre aucune fatigue puisque son
enfantement fut sans douleur. La séparation entre
le thème de l'adoration des mages et la nativité
n'intervient qu'en 354, lorsque l'on décide de
fêter Noël et l'Epiphanie séparément.
La Vierge est allongée
et semble brisée. Elle adopte cet air de souffrance
pour que la réalité de l'Incarnation ne
puisse être soupçonnée : cette version
est moins conforme au dogme. Des éléments
sont ajoutés, comme le bain de l'enfant, la présence
de la sage-femme et celle de Joseph assis. La scène
prend place dans une grotte.
Bilan : La nativité
syrienne est favorisée dans la sculpture française.
Le Christ, de profil, escalade
une montagne. La main de Dieu saisit la sienne. Les apôtres
sont sur les flancs de la montagne.
Le Christ est de face dans
une mandorle (d'abord assis puis debout selon les époques)
soutenue par des anges. Les apôtres sont au sol
et la Vierge est au milieu d'eux.
Bilan : l'art occidental emprunte aux
deux modèles. Le Christ n'est pas sur une montagne,
mais il est de profil.
Sa main reste tendue vers le haut mais Dieu de ne la saisit
plus. C'est le modèle de St
Sernin de Toulouse (ci-dessous).
Une autre influence se fait sentir, celle
de l'art byzantin. Celui emprunte souvent son fond à
l'art syrien et ses formes à l'art hellénistique,
pour créer des scènes uniques. Plusieurs modèles
byzantins sont passés dans l'art occidental. C'est
le cas de l'arrestation du Christ,
qui réunit dans l'art byzantin trois épisodes
successifs en un seul (le baiser de Judas, l'arrestation proprement
dite et la lutte entre St Pierre et Malchus). On retrouve
ces trois éléments réunis dans les arrestations
du XIIe siècle. D'autres thèmes viennent de
Byzance, comme la Descente de croix, l'Anastasis...
Les thèmes orientaux ne sont pas simplement
copiés. Ils sont adaptés par les artistes occidentaux.
Certains thèmes sont à la fois simplifiés
et enrichis. C'est la cas de la Nativité. Le nombre
des personnages est réduit (plus de sages-femmes),
la couche de la Vierge est embellie et l'enfant est couché
sur une sorte d'autel qui préfigure son sacrifice.
D'autres thèmes sont transformés. Dans l'Anastasis,
le Christ couronné descend pour transpercer Satan avec
sa croix. Une originalité française et anglaise
fait apparaître une gueule de Léviathan qui s'ouvre
pour libérer les saints de l'Ancien Testament.