En insistant fortement sur les
sources orientales, Emile Mâle en néglige l'influence
de l'art païen antique. André Grabar, dans Les
voies de la création en iconographie chrétienne,
en donne de nombreux exemples. Une partie d'entre eux est
évoquée dans notre page consacrée aux
sarcophages
paléochrétiens. Les sarcophages étant,
avec les catacombes, les premiers supports de l'iconographie
chrétienne, ils sont les mieux à même
de montrer les rapports entre art antique et premier art chrétien.
Nous n'évoquons pas ici
l'ouvrage d'André Grabar en détail parce qu'une
bonne partie est consacrée à des parties de
l'art chrétien que nous n'étudions pas (ou pas
encore): formation de l'iconographie des manuscrits (dont
Mâle montre d'ailleurs l'influence), art byzantin...
Il nous paraît néanmoins important d'en mentionner
quelques éléments. Hormis ceux qui sont déjà
étudiés dans la page suscitée, en voici
d'autres relatifs à l'art du Moyen-Age.
Grabar commence son étude
de l'iconographie médiévale occidentale en rappelant
deux principes fondamentaux qui président à
la création d'images :
- les images ont une fonction pédagogique (rappelée
par Grégoire le Grand, Charlemagne)
- elles ne peuvent être l'objet d'un culte (opposition
de Charlemagne aux Byzantins, plus politique que religieuse)
Puisque les images ont une fonction
pédagogique, il est possible d'intégrer dans
les images religieuses des sources scientifiques ( représentation
du zodiaque, des étoiles
) et des sources théologiques
(représentation des vices et des vertus...), contrairement
aux byzantins. Les artistes bénéficient aussi
d'une plus grande liberté de transformation des images
(ils peuvent par exemple représenter des corps tronqués,
ce qui n'était pas permis aux byzantins en raison du
caractère sacré des icônes). L'utilisation
de multiples sources donnent aux ensembles iconographiques
occidentaux un aspect encyclopédiques qu'évoque
Emile Mâle (surtout dans son oeuvre
sur le XIIIe). Cependant, ces représentations sont
le plus souvent incomplètes (on trouvera par exemple
le zodiaque mais pas la représentation des mois de
l'année, un ensemble incomplet de vices et de vertus).
Progressivement, l'utilisation d'éléments scientifiques
sera de plus en plus décorative (motifs géométriques).
Grabar montre également
que la créativité artistique est plus grande
dans les manuscrits et la verrerie que dans la sculpture monumentale.
Celle-ci, en raison notamment de ces contraintes (insertion
dans un tympan, une voussure...) utilise fréquemment
les mêmes sujets, qu'elle parvient cependant à
renouveler en les agençant de différentes manières.
Les éléments de façade font souvent appel
à des éléments de culte populaire (Vierge,
saints...). On trouve également des ensembles reflétant
une haute pensée théologique, comme à
Moissac, Autun puis dans l'architecture gothique, comme à
Chartres, Saint Denis. Grabar note que Mâle exagère
le rôle de Suger en en faisant, par exemple, l'inventeur
des statues-colonnes. Néanmoins le rôle novateur
de celui-ci reste indéniable. Ce qui caractérise
la sculpture monumentale des façades, c'est l'importance
des groupements d'images (différentes associations,
choix des emplacements) alors que dans un livre elles ne font
que se succéder. Enfin, on constate souvent qu'aucun
portail ne présente une totale unité iconographique
(en raison des auteurs successifs et des contraintes de support).
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