Livre III - Le miroir moral
Plusieurs théologiens, tel Tertullien, ont développé
l'idée selon laquelle le christianisme n'avait pas apporté
la paix mais la guerre au sein de l'âme. De ce constat
naît le thème de la psychomachie, combat intérieur
des vices et des vertus. Dans un poème intitulé
Psychomachie, le poète Prudence relate le combat
que se livrent les vices et les vertus. |
Tableau des couples ennemis
|
Foi |
Idolâtrie |
Pudeur |
Débauche |
Patience |
Colère |
Humilité |
Orgueil |
Sobriété |
Luxure |
Charité |
Avarice |
Concorde |
Discorde |
La foi et l'idolâtrie
à droite, la prudence et la folie à gauche (Notre-Dame
de Paris)
|
|
|
On trouve l'illustration de cet affrontement
au portail de Laon.
Mais le poème de Prudence inspire peu les artistes
de la période gothique. Ceux-ci représentent
plus volontiers la victoire que la bataille elle-même.
De plus, le choix des vices et des vertus varie. Leur conception
évolue dès le XIIe siècle. Honorius d'Autun
se représente la vertu comme une échelle reliant
la terre et le ciel (comme l'échelle de Jacob).
La charité et l'avarice, à gauche,
la patience et la colère, à droite (Notre-Dame
de Paris)
|
|
|
Pour Hugues de Saint Victor, le bien et le mal sont comme
deux arbres vigoureux. Le mal (le vieil Adam) a pour tronc
l'orgueil et pour branches la vaine gloire, l'envie, la colère,
la tristesse, l'avarice, l'intempérance, et la luxure.
Chaque branche se ramifie : de la tristesse, par exemple,
naissent la crainte et le désespoir. La vertu (nouvel
Adam) a pour tronc l'humilité. Ses branches sont les
vertus théologales (espérance, foi, charité)
et les vertus cardinales (tempérance, force, prudence,
justice). Les ramifications de la foi sont la chasteté
et l'obéissance ; celles de l'espérance sont
la patience et la joie...
La chasteté et la luxure
à droite, la persévérance et l'inconstance,
à gauche (Notre-Dame de Paris)
|
|
|
Il y a peu de représentations de ce symbolisme
dans la sculpture monumentale (seulement dans les manuscrits).
Généralement, les vertus sont représentées
comme des femmes à l'air grave, assises, avec au-dessous
d'elles (médaillons superposés, par exemple)
les vices en action. C'est ce qu'on peut voir à Amiens,
Chartres
ou Notre-Dame
de Paris. Dans ces ensembles, 12 vices et 12 vertus sont
représentés : la foi et l'idolâtrie, l'espérance
et le désespoir, la charité et l'avarice, la
chasteté et la luxure, la prudence et la folie, l'humilité
et orgueil, la force et la lâcheté, la patience
et la colère, la douceur et la dureté, la concorde
et la discorde, l'obéissance et la rébellion,
la persévérance et l'inconsistance.
La concorde et la discorde à gauche, la force et
la lâcheté à droite (Notre-Dame de Paris)
|
|
|
On trouve donc d'abord les vertus théologales.
En revanche, toutes les vertus cardinales ne sont pas présentes.
Il manque par exemple la justice, remplacée par un
de ses dérivés, l'obéissance. La source
d'inspiration de ces choix n'est pas connue. Chaque vertu
est identifiée par un symbole, le plus souvent un animal.
A gauche, Notre-Dame d'Amiens, la force et
la peur, la patience et la colère, la douleur et la
violence
L'espérance et le désespoir
(Notre-Dame de Paris)
|
|
Représentation symbolique des vertus
Humilité et orgueil
(Notre-Dame de Paris)
|
foi |
un calice
ou une croix |
espérance |
femme regardant le ciel et tendant la main
vers une couronne, accompagnée d'une croix sur
un étendard, symbole de la Résurrection. |
charité |
brebis ou
femme donnant son manteau |
chasteté |
vierge avec
un voile, une palme et accompagné d'un animal entouré
de flammes |
prudence |
serpent
enroulé autour d'un bâton (en référence
à la parole du Christ, St Matthieu, X, 16) |
humilité |
colombe |
force |
femme en
armure munie d'une épée |
patience |
buf |
douceur |
agneau |
concorde |
branche d'olivier |
obéissance |
chameau agenouillé |
persévérance |
tête et queue d'un lion. La
persévérance est la vertu nécessaire
du début à la fin de l'existence |
|
Obéissance et désobéissance
(Notre-Dame de Paris)
|
|
Quant aux vices, ils sont représentés
sous la forme de petites scènes plus faciles à
interpréter. Ainsi trouve-t-on la dureté incarnée
par une dame noble repoussant du pied un personnage humble
agenouillé devant elle (exemple ci-contre, Notre Dame
de Paris)
On doit ajouter que la représentation
des vertus est parfois accompagnée d'une figuration
de la vie active (jeune fille en train de filer, de laver...)
et de la vie méditative (jeune femme lisant, priant...).
Cela témoigne d'un souci de montrer que ces vies sont
égales aux yeux de Dieu
|
|